SPARTAKISME

SPARTAKISME
SPARTAKISME

On désigne communément par «spartakisme» un mouvement politique issu de la gauche de la social-démocratie allemande et qui a fixé peu à peu son orientation politique après le 4 août 1914 en s’opposant violemment à la tactique de «l’union sacrée» préconisée et pratiquée par la direction majoritaire du Parti social-démocrate. Ce mouvement a pris une part active à la révolution allemande de novembre 1918 (qualifiée parfois, abusivement, de révolution

spartakiste) et a abouti à la constitution du Parti communiste d’Allemagne (K.P.D.) le 1er janvier 1919 à Berlin.

Constitution du mouvement

Au sens strict, on serait tenté de dater de 1916 la naissance du spartakisme. Le 20 septembre paraît le premier numéro du journal intitulé Spartakus (douze numéros jusqu’en octobre 1918), mais dès le 27 janvier de la même année la douzième des Politische Briefe («Lettres politiques») éditées par le «groupe Internationale» ou groupe Liebknecht portait en épigraphe une phrase signée Spartakus. Enfin, on pourrait aussi dater la naissance du spartakisme de la conférence du «groupe Internationale», réunie le 1er janvier 1916 à Berlin et au cours de laquelle fut adoptée la plate-forme du mouvement: les Leitsätze (thèses) publiées dans le no 14 (3 févr. 1916) des Politische Briefe.

En réalité, ce mouvement se constitue dès août 1914. Une petite fraction de l’extrême gauche social-démocrate, dont les chefs de file sont Karl Liebknecht, Rosa Luxemburg, Julian Marchlewski, Franz Mehring, Clara Zetkin, mais qui comptera beaucoup de militants alors moins connus (entre autres Willi Budich, Hermann et Käthe Duncker, Hugo Eberlein, Paul Frölich, Leo Jogiches, Paul Lange, Paul Levi, Ernst Meyer, Wilhelm Pieck, August et Berta Thalheimer, Jakob Walcher) définit la guerre comme une guerre impérialiste et refuse la politique de soutien au gouvernement du chancelier Bethmann Hollweg (le vote des crédits militaires notamment) pratiquée par la direction du Parti social-démocrate (S.P.D.).

Les spartakistes ne se sépareront du S.P.D. qu’en avril 1917, au moment de la fondation, à Gotha, du Parti social-démocrate indépendant (U.S.P.D.). En dépit de l’opposition de certains de leurs partisans (en particulier ceux de Brême, connus sous le nom de Bremer Linksradikale), les spartakistes décident alors de faire partie de l’U.S.P.D., tout en soulignant qu’ils conserveront leur autonomie au sein du nouveau parti et en ne se privant pas de dénoncer la mollesse pratique et les ambiguïtés théoriques de sa direction.

Le 11 novembre 1918, dans les tout premiers jours de la révolution, se constitue la Ligue spartakiste (Spartakusbund), nouvelle étape vers la formation d’un groupement politique indépendant. Les spartakistes avaient dès le 9 novembre fait paraître leur propre journal, Die rote Fahne. Le 14 décembre celui-ci publiait sous le titre «Que veut la Ligue spartakiste?» le projet de programme rédigé par Rosa Luxemburg et qui devait être adopté le 30 décembre. À cette date, les spartakistes rompent le lien formel qui les rattachait encore à l’U.S.P.D. en fondant, avec quelques petits mouvements de même tendance, le Parti communiste d’Allemagne, dont le sigle (K.P.D.) sera suivi jusqu’en décembre 1920 de la mention: Ligue spartakiste.

Objectifs et méthodes, influence

Que voulaient les spartakistes? D’abord mettre fin à la guerre par la révolution, c’est-à-dire en s’attaquant au système capitaliste qu’ils voulaient remplacer par le socialisme. Contre la passivité des dirigeants social-démocrates, ils ont préconisé l’action des masses; mais ils n’ont réussi à mobiliser celles-ci qu’à partir de novembre 1918 et presque exclusivement dans les grandes villes. Contre le nationalisme du S.P.D., ils s’affirment résolument internationalistes. Contre l’«appareil» social-démocrate, ils font appel et confiance aux masses, laissent la plus grande autonomie aux groupes locaux, se refusent à toute organisation centralisatrice. Leurs partisans, souvent jeunes et impatients, n’ont pas toujours mesuré exactement la puissance de l’adversaire, de cette société bourgeoise qu’ils se proposaient d’abattre. Ils se veulent radicaux, contre les demi-mesures. Leurs adversaires les accuseront d’avoir un faible pour la «gesticulation révolutionnaire».

Au congrès de fondation du K.P.D., la majorité des spartakistes décide de ne pas participer aux élections générales de janvier 1919 et n’a que méfiance envers les syndicats, dont les dirigeants se sont alignés sur les positions de la direction social-démocrate. Le mot d’ordre des spartakistes demeure: «Tout le pouvoir aux conseils d’ouvriers et de soldats», même si ceux-ci sont dominés momentanément par la social-démocratie majoritaire.

On discute beaucoup aujourd’hui de l’importance réelle des spartakistes. Le mouvement, qui s’est constitué dans les conditions très difficiles de l’état de siège et dont les dirigeants ont passé une bonne partie des quatre années de guerre en prison, demeure clandestin et ne regroupe, jusqu’en novembre 1918, que quelques milliers de militants. À partir de la révolution, son audience s’accroît vite. À Berlin et dans quelques centres industriels (Saxe, Ruhr), il réussit à entraîner sur ses mots d’ordre des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de manifestants, ouvriers pour la plupart. Mais le temps lui a manqué pour développer son implantation, consolider son organisation, diffuser sa presse.

À Berlin, au début de janvier 1919, le gouvernement social-démocrate (Ebert et Scheidemann) a utilisé une manifestation de rues et l’occupation de plusieurs bâtiments publics comme prétexte à une répression brutale (Semaine sanglante), dirigée par Gustav Noske, et dont l’objectif était bien d’«écraser Spartakus». C’est au cours de cette répression que Rosa Luxemburg et Liebknecht sont assassinés (15 janvier). Dès lors, les spartakistes sont traqués, leur journal interdit. Pendant toute l’année 1919, ils sont réduits à une clandestinité quasi totale. En même temps, des dissensions internes les divisent et les affaiblissent. Les éléments gauchistes, anarcho-syndicalistes quittent le parti ou en sont exclus (près de la moitié des adhérents) et fondent à Berlin le K.A.P.D. qui cesse d’avoir un quelconque poids politique dès la fin de 1921.

Dès la révolution d’Octobre, les spartakistes avaient noué des liens avec les bolcheviks dont ils exaltaient l’exemple (même si certains d’entre eux, Rosa Luxemburg par exemple, faisaient des réserves sur telle ou telle décision prise par Lénine et Trotski). En 1916, ils étaient d’accord avec les bolcheviks pour la fondation d’une nouvelle Internationale. Pourtant, au congrès de fondation de la IIIe Internationale en 1919, le délégué spartakiste s’abstient: il pense, en effet, qu’il faut attendre que des partis communistes puissants se soient constitués dans plusieurs pays.

En France, le spartakisme a connu un regain d’intérêt après mai 1968; l’ardeur, l’abnégation, les conceptions généreuses de ses militants, mais aussi son échec final, peuvent faire de lui, aux yeux de certains, le type du mouvement révolutionnaire du XXe siècle dans un pays avancé: n’ayant pas été confronté aux redoutables problèmes du pouvoir, il paraît avoir conservé sa «pureté doctrinale».

Le spartakisme pose un certain nombre de problèmes qui restent en discussion: l’importance et l’audience réelles des spartakistes, la composition sociologique du mouvement, ses chances de succès. Pour répondre à ces questions, il faut préciser les rapports entre les spartakistes et la gauche de l’U.S.P.D. (qui fusionna avec le K.P.D. à la fin de 1920), entre spartakistes et conseils de soldats. Les conseils d’ouvriers ont fait l’objet de plusieurs études. Quant aux relations entre spartakistes et bolcheviks et aux répercussions de la révolution d’Octobre en Allemagne, elles ont été particulièrement étudiées en République démocratique allemande.

spartakiste [ spartakist ] n.
• 1916; all. Spartakist, de Spartakusbund « groupe Spartacus », du nom du chef des esclaves romains révoltés en 71 av. J.-C.
Hist. Membre d'un mouvement socialiste et communiste allemand (le spartakisme) animé par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg (1916-1919). Adj. Le groupe spartakiste.

spartakisme nom masculin Courant politique révolutionnaire né en Allemagne au cours de la Première Guerre mondiale, créé par Karl Liebknecht, Rosa Luxemburg, Franz Mehring, Clara Zetkin, autour d'un journal qui parut à partir de septembre 1916, Spartakus.

spartakisme
n. m. HIST Mouvement des socialistes révolutionnaires allemands qui fondèrent le groupe Spartakus.

spartakisme [spaʀtakism] n. m.
ÉTYM. 1916; de spartakiste.
Hist. Mouvement des spartakistes.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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